L’obligation de fournir du travail au journaliste rémunéré à la pige

La doctrine et la jurisprudence identifient dans le domaine d’activité des journalistes rémunérés à la pige deux hypothèses :

  • soit le pigiste est un travailleur occasionnel et l’employeur n’a alors aucune obligation de maintenir un quelconque volume d’activité,
  • soit le pigiste a une activité régulière et permanente au sein de l’entreprise de presse et cette dernière est tenue de lui assurer un volume d’activité permanent dont la diminution peut caractériser une modification d’un élément essentiel du contrat de travail et imposer un licenciement.

La jurisprudence est constante depuis 2009.

La Cour de Cassation a posé le principe que :

« Si, en principe, une entreprise de presse n’a pas l’obligation de procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n’en est pas de même si, en fournissant régulièrement du travail à ce journaliste pendant une longue période, elle a fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel l’entreprise est tenue de fournir un travail. »

(Soc. 18 juillet 2001, Soc. Editions Charles Massin c. Baron et autres)

De même, selon un arrêt en date du 29 septembre 2009 :

« Mais attendu que si l’employeur d’un journaliste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n’est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant »

(Soc.29 septembre 2009, 08-43.487 Bayard Presse)

La diminution du volume de commandes et de la rémunération constitue une modification du contrat de travail (Soc. 10 juin 1998 n°96-41.981 ; Soc. 24 janvier 2001 n°98-45.802).

La jurisprudence précise que l’employeur d’un journaliste pigiste collaborateur régulier doit lui fournir du travail (Ch. Soc. 15 février 2012, pourvoi 10-30700 ; Ch. Soc. 21 septembre 2017, 16-10.346).

La Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 14 septembre 2016 Pôle 6 Chambre 0 réaffirme que :

 « L’absence de fourniture de travail et de rémunération caractérise un manquement contractuel suffisamment grave de la part de l’employeur pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. » (CA Paris 14 septembre 2016, n°12/00329)

En application des articles 1217 et suivants du Code Civil, l’une ou l’autre des parties à un contrat synallagmatique peut en demander la résiliation judiciaire en cas d’inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Il a été jugé que l’employeur qui avait cessé de fournir du travail et de payer la rémunération convenue avait gravement manqué à ses obligations contractuelles (Ch. Soc. 12 juillet 1999, n° 3278).

En conclusion, si une entreprise de presse n’est pas tenue de maintenir de façon constante la quantité de travail qu’elle demande à ses journalistes pigistes  non réguliers, dès lors que l’employeur assure une certaine stabilité d’emploi au pigiste en lui garantissant une rémunération mensuelle fixe ou en recourant à ses services pendant plusieurs années, l’absence de fourniture de travail ou une modification conséquente de son volume de travail doit s’analyser en un licenciement entraînant pour l’employeur l’obligation de verser les indemnités afférentes.