Délai de la clause de cession

Quel délai est accordé au journaliste pour exercer son droit tel que prévu à l’article L.7112-5 du Code du Travail ?

La loi n’a pas défini le délai dans lequel peut s’exercer la clause de cession ou de conscience laissant à la jurisprudence sa qualification.

  • Absence de délai légal

C’est un droit prétorien qui s’est dégagé.

L’analyse de la jurisprudence permet d’affirmer que la position de la Cour de Cassation a évolué sur la question du délai pour exercer une clause de cession ou de conscience.

Elle a notamment fait au fil des décisions le lien entre le délai pour exercer la clause et la motivation de la clause et s’oriente vers un droit restant soumis aux règles de prescription.

Le principe général est l’absence de délai pour l’exercice de ce droit

Il a été précisé que l’article L.761-7 du Code du Travail (ancien article L.7112-5) n’impose aucun délai aux journalistes pour mettre en œuvre la clause de conscience. Il suffit pour que les dispositions de cet article puissent être invoquées, que la résiliation du contrat de travail ait été « motivée » par l’une des circonstances qu’il énumère.  (Cass. Soc. 10 mars 1998, n°1294 P, Sté la Montagne c/ Baruch et autres ; confirmé par un arrêt du 30 novembre 2004, Cass. Soc. 30 novembre 2004, n°2297 FS-PB, Luxey c/ Sté Radio Monte Carlo).

… Toutefois encadré par un exercice dans un délai raisonnable

Dans un cas d’espèce, le journaliste ayant exercé sa clause 8 mois après la cession du groupe,  la Cour d’Appel avait jugé que la demande de bénéfice de la clause n’était pas équivoque dès lors qu’elle était motivée par la cession (une des circonstances énumérées) et effectuée dans un délai raisonnable. (Cass. Soc. 16 février 2012, n°10-18.525 n°532 F-D, Sté Groupe Express c/ Dessaint).

Des délais très courts enfermant la durée de la clause comme trois ou six mois ne sont en aucun cas opposables.

Même si le principe clairement exposé est l’absence de délai pour exercer la clause de cession ou de conscience, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence peut contrôler le lien entre la demande du journaliste et l’une des trois circonstances énumérées par l’article L.7122-5 du Code du Travail, soit l’existence d’une cession, d’une cessation de publication et d’un changement notable créant une situation de nature à porter atteinte à ses intérêts moraux.

  • Une évolution dans la jurisprudence : un délai encadré par les règles relatives à la prescription ?

À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de Cassation en 2015 a eu l’opportunité de préciser que l’absence de délai de mise en œuvre de la clause de conscience ne crée pas de droit imprescriptible (Cass. Soc. QPC 7 juillet 2015, n°15-40.019, Sté Intescia c/ D.)

Un arrêt récent de la Cour d’Appel de Paris revient sur l’absence totale de délai et le limite aux délais de prescription ramenés à deux ans par l’effet de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, (Cour d’Appel de Paris Pôle 6 Ch. 11, 13 novembre 2018, N° 14/11603, SAS Hôtel & Lodge c Eva P).

La jurisprudence s’oriente donc vers un encadrement de l’exercice de la clause dans les règles de prescription. Il faudra suivre cette évolution.

La Cour de Cassation a néanmoins récemment rappelé par un arrêt en date du 21 février 2019 (18-21460), saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet du délai pour exercer la clause, les principes fondateurs de la clause de cession :

« La portée ainsi donnée à la disposition légale contestée, qui vise à garantir l’indépendance des journalistes, ne fait que traduire la volonté du législateur de prendre en compte les conditions particulières dans laquelle s’exerce leur profession et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle. »